Le type de mythe d’origine de la mort le plus répandu sur le continent africain est celui qui l’associe à la mauvaise transmission d’une promesse de résurrection qui, une fois pervertie par la faute du messager, annonce l’introduction de la vie brève. Il peut y avoir un ou deux coursiers. Quand il y en a deux, le premier est bien chargé de transmettre un message de vie, mais il est si lent qu’un second messager prend la route, le dépasse et arrive le premier en inversant l’annonce – quand il n’avait pas été chargé dès le départ de porter un message de mort. Il peut encore arriver que, après le départ du premier coursier, celui qui l’a envoyé change d’avis et en fasse partir un autre avec le message contraire. Voici quatre exemples de ces mythes, recueillis chez des groupes parlant des langues appartenant à des familles différentes et sis en des régions très éloignées les unes des autres.
1. Igbo (Afrique de l’Ouest, Niger-Congo) :
Quand la mort apparut pour la première fois dans le monde, les hommes envoyèrent un chien à Chuku pour lui demander de faire revenir les défunts à la vie. Le chien lambina le long du chemin et fut dépassé par un crapaud qui avait entendu le message mais voulait punir les humains. Il atteignit Dieu avant le chien et lui transmit le mauvais message, disant que les hommes ne voulaient pas revenir à la vie. Chuku, ayant accepté cette requête, fut incapable de modifier sa décision quand le chien arriva finalement avec la demande correcte. C’est ainsi que la mort fut introduite dans le monde
2. Oromo (Corne de l’Afrique, afrasien) :
Dieu envoya l’oiseau Holawaka dire aux hommes qu’ils ne mourraient pas : quand ils se sentiraient devenir vieux et faibles, ils changeraient de peau et redeviendraient jeunes. Il nantit l’oiseau d’une crête […] pour le désigner comme son messager. L’oiseau partit, mais trouva bientôt sur le chemin un serpent qui mangeait un animal mort. Holawaka lui dit : « Donne-moi un peu de viande et de sang, et je te dirai quel est le message divin. » Le serpent répondit qu’il ne voulait pas l’entendre, mais Holawaka insista tellement, tout en ajoutant que ce message le concernait de très près, que le serpent finit par céder. L’oiseau dit alors : « Le message est le suivant : quand les hommes deviendront vieux, ils mourront, mais toi, quand tu te sentiras devenir infirme, tout ce que tu auras à faire est de ramper hors de ta peau, et tu retrouveras ta jeunesse. » C’est pour cette raison que les gens vieillissent et meurent, alors que les serpents changent de peau et rajeunissent. Dieu maudit l’oiseau en lui infligeant une constipation chronique, ce qui fait qu’on le voit en haut des arbres, souffrant et criant « Wakati-a-a ! » (« Mon Dieu ! »).
3 .Nama (Afrique australe, khoisan) :
Lune envoya Lièvre chez les humains avec ce message : « Tout comme je meurs et renais de nouveau, de même vous mourrez et renaîtrez. » Lièvre se trompa et dit : « Tout comme je meurs et ne renais pas de nouveau, de même vous, etc. » Quand il revint, Lune, très en colère à cause de cette erreur, lança sur Lièvre un bâton qui lui fendit la lèvre. Lièvre s’enfuit, et continue de le faire de nos jours.
4 .Tonga (Afrique australe, Niger-Congo)
Chiuta chargea Caméléon et Lézard […] d’apporter aux hommes un message de vie pour le premier et de mort pour le second. Caméléon devait dire aux hommes qu’ils mourraient mais qu’ils reviendraient à la vie, tandis qu’il avait été demandé à Lézard de leur annoncer que, s’ils mouraient, ce serait pour de bon. Caméléon partit le premier mais, dans sa marche lente et hésitante, il fut bientôt dépassé par Lézard, qui se précipita chez les hommes et leur expliqua que la mort marquerait la fin de leur existence. Assez longtemps après, Caméléon arriva paresseusement parmi eux et leur annonça que, bien que les hommes dussent mourir, ils retourneraient ensuite à la vie ; mais on l’accueillit avec colère et tristesse en lui disant que le premier message avait déjà été accepté.
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